Depuis la crise sanitaire, la France fait face à un défi majeur : la baisse continue de sa productivité. Ce phénomène, inédit depuis plus d’un siècle, menace non seulement la croissance économique mais également les recettes de l’État, exacerbant le débat sur les finances publiques en période de déficit public croissant.
Une tendance préoccupante
Historiquement, la productivité en France a toujours été sur une pente ascendante, facilitant une amélioration du niveau de vie et de consommation des salariés. Toutefois, selon Dorian Roucher de l’Insee, ce schéma s’est inversé post-pandémie. La Banque de France rapporte une baisse significative de la valeur ajoutée par employé, avec un recul de 5,2 % depuis 2019, et même de 8,5 % si l’on considère la trajectoire attendue de croissance. Cette situation n’est pas isolée à la France, bien que le phénomène y soit plus prononcé qu’au sein de la zone euro.
Les facteurs explicatifs
Parmi les principales causes de cette baisse figure l’augmentation du nombre d’apprentis, passant de 432 000 en 2019 à un million en 2023. Bien que cela reflète une insertion professionnelle positive, la productivité en pâtit, les apprentis étant généralement moins expérimentés. Olivier Redoulès de Rexecode estime que ce facteur explique un tiers de la baisse observée.
En outre, le dynamisme récent du marché du travail a permis une réduction du taux de chômage mais a également intégré dans l’emploi des individus moins expérimentés ou compétents, affectant négativement la productivité globale.
Les obstacles technologiques et structurels
Le dernier tiers de la baisse de productivité est le plus difficile à expliquer. Anne-Sophie Alsif de BDO France évoque plusieurs théories, allant de l’absentéisme croissant, particulièrement lié aux troubles psychologiques, à un retard technologique significatif. La comparaison avec les États-Unis est particulièrement frappante, où l’adoption rapide de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, a engendré un bond en avant en termes de productivité.
Un écart qui se creuse entre la France et les États-Unis
L’écart de productivité entre la France et les États-Unis s’est notablement creusé depuis la crise sanitaire, révélant des différences significatives dans la manière dont les deux pays ont géré les défis économiques. Aux États-Unis, la productivité a augmenté de 3,2 % au quatrième trimestre 2023, un dynamisme attribuable en partie à l’adoption rapide de technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle, et à une politique économique axée sur le soutien aux ménages plutôt qu’à la préservation directe des emplois.
Cette approche a favorisé une réallocation efficace des ressources vers les entreprises les plus productives. En contraste, la France a concentré ses efforts sur la préservation des emplois existants, ce qui a peut-être ralenti la nécessaire réallocation des moyens de production vers les secteurs les plus dynamiques. Ce manque d’investissement dans les nouvelles technologies et la persistance de lourdeurs administratives ont également joué un rôle dans ce décrochage productif par rapport à son homologue américain.
Vers des solutions durables
Face à ce constat, la question des réponses adéquates se pose. Les économistes, tel Olivier Redoulès, suggèrent plusieurs pistes, notamment l’amélioration de la formation continue et une réduction des prélèvements sur les entreprises pour stimuler l’investissement en productivité. Cependant, aucune baisse d’impôt n’est prévue par l’exécutif, qui se concentre plutôt sur la recherche de nouvelles recettes et d’économies.
En conclusion, si la baisse de la productivité en France peut être perçue comme un signe avant-coureur de difficultés économiques plus profondes, elle offre également une occasion de réviser et d’améliorer les stratégies en matière d’éducation, de formation et de fiscalité pour renforcer la structure économique du pays à long terme.
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